
Eugène Atget, le promeneur de Paris
De temps en temps, je vous parlerai de photographes qui ont marqué leur génération. Aujourd’hui je vous emmène dans l’univers d’Eugène Atget photographe des rues de Paris. Cet artiste qui, sans le savoir, a révolutionné notre manière de voir la ville et le quotidien. Si vous êtes passionnés par l’histoire de Paris ou simplement curieux de découvrir un artiste unique, installez-vous confortablement car on plonge ensemble dans le Paris du début du XXe siècle !

Vitrine Michalek en 1928 par Eugène Atget
Le début de sa vie loin des projecteurs
Eugène Atget n’était à la base pas destiné à devenir photographe. Il est né à Libourne, près de Bordeaux, en 1857, dans une famille modeste. Orphelin très jeune, il fut élevé par ses grands-parents. Après quelques années à naviguer en tant que marin, il s’installe à Paris avec le rêve de devenir acteur. fasciné par la scène, les costumes, les lumières… Mais le destin a décidé d’un autre chemin pour lui…
Ses diverses tentatives dans le théâtre ne rencontrent pas le succès espéré et Atget se tourne vers la photographie à la quarantaine passée. Ce n’était pas un choix évident, mais plutôt une solution pragmatique pour gagner sa vie. Vous allez voir que c’était la meilleure décision de sa vie !
Les rues de Paris, un modèle à part entière
Quand Atget commence à photographier, il ne cherche pas la gloire ou la reconnaissance artistique. Son ambition, bien plus modeste était de fournir des images aux artistes, architectes et institutions qui souhaitaient des documents visuels pour leurs travaux. Mais en immortalisant les rues, les places et les boutiques de Paris, il a créé bien plus que de simples documents.
Paris à la Belle Époque. Pas de voitures bruyantes, mais des calèches et des fiacres, des façades anciennes, des enseignes peintes à la main et des pavés à perte de vue. Atget a immortalisé tout ça, souvent à l’aube, quand les rues étaient encore désertes, mais aussi parfois avec ses parisiens :

L’éclipse par Eugène Atget, avril 1912
Ses images révèlent un Paris en mutation, pris entre le passé et la modernité. Il documente les vieilles boutiques qui disparaissent, les intérieurs d’ateliers, les jardins publics, et même les vitrines des petits commerces. Je trouve qu’on pourrait presque sentir l’odeur du pain frais en regardant ses clichés de boulangeries ! Et en me documentant pour vous préparer cet article, j’y ai même découvert qu’il s’était adonné à d’autres styles photographiques !
Une technique qui parle de patience
Resituons nous dans le contexte : Atget n’avait pas à sa disposition le matériel sophistiqué qu’on trouve aujourd’hui. Pas de reflex ou de smartphones. Il travaillait avec une chambre photographique, un appareil lourd et encombrant, qui nécessitait des plaques de verre comme support. Chaque image demandait une préparation minutieuse : trouver le bon angle, régler le temps de pose (souvent très long), attendre la bonne lumière.
Et pourtant, c’est peut-être cette lenteur qui donne à ses images leur aura si particulière. Elles semblent hors du temps, comme si elles captaient l’âme des lieux.
J’arrive à toucher du doigt (à mon niveau, je suis loiiiiin de me comparer à lui) cette différente manière de travailler lorsque je ressors mon vieil appareil argentique et que je travaille sur pellicule car chaque déclenchement compte et qu’il ne peut pas être recommencé à l’infini.
Une reconnaissance tardive
Comme bon nombre d’artistes et malgré son travail acharné, Atget a vécu une grande partie de sa vie dans l’ombre. Ce n’est qu’à la fin de sa carrière qu’il commence à attirer l’attention d’artistes et de collectionneurs. La photographe américaine Berenice Abbott, fascinée par ses clichés, a été l’une des premières à reconnaître son génie. Elle a joué un rôle crucial dans la préservation de son œuvre après sa mort en 1927.
Aujourd’hui, Atget est considéré comme un pionnier de la photographie documentaire et artistique. Ses clichés ne sont plus seulement des archives, mais de véritables œuvres d’art, exposées dans les musées du monde entier. D’une certaine manière, il a été l’un des premiers Street Photographe comme on le dirait aujourd’hui.

Voyageurs et curieux attendant le métropolitain place de la Bastille. Eugène Atget 1900
Pourquoi son travail nous touche encore aujourd’hui
Regarder une photo d’Atget, c’est un peu comme feuilleter un vieil album de famille avec ma ville en personnage principal. J’ai l’impression de marcher dans un Paris disparu, d’être témoin d’une époque révolue. Mais il y a aussi une émotion universelle dans ses images. Elles parlent de la fragilité du temps et de la beauté.
Aujourd’hui tout va de plus en plus vite, ses clichés me rappellent l’importance de ralentir, d’observer, de savourer. Et j’espère que grâce à ce petit témoignage, que,la prochaine fois que vous vous promenez dans Paris, vous regarderez les rues, les détails des façades ou la lumière du matin avec un œil différent, un peu à sa manière.
Un héritage intemporel
Eugène Atget n’était apparemment pas un homme de grands discours mais plutôt un observateur silencieux, un amoureux de Paris et de sa beauté. Ses images continuent de nous parler avec la puissance de la lumière et des ombres.
Alors, la prochaine fois que vous vous perdez dans une ruelle parisienne, pensez à lui. Qui sait, peut-être que le même esprit d’émerveillement qui guidait son regard vous inspirera aussi.
Et allez admirer certains de ses clichés au Musée Carnavalet dans le Marais à Paris : En plus c’est gratuit ! Et si vous êtes plutôt la tête dans les bouquins, je vous conseille l’ouvrage
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